Médicaments : l’urgence d’un pôle public face aux pénuries

Le paracétamol va-t-il devenir un produit de luxe ? Faut-il apprendre à vivre sans Amoxicilline, antibiotique le plus prescrit à nos enfants ? A cette heure, tous les deux sont « en tension d’approvisionnement ». Pourtant, il y a plus d’un mois, le ministre de la santé promettait un retour à la normale « dans les deux semaines ». Comme sur la retraite minimale à 1200 euros, encore un mensonge.

Les soignants ont été envoyés au front du Covid sans blouse, sans masque, sans gant, l’hôpital public est en ruine, et il est désormais demandé aux Français de se passer de médicaments ! Aux déserts médicaux s’ajoutent des déserts médicamenteux. 
Pire, depuis qu’Emmanuel Macron gouverne, les pénuries s’aggravent : en 2022, plus de 3000 médicaments essentiels ont été en tension ou en rupture. Cinq fois plus qu’à son arrivée au pouvoir.

L’Académie française de pharmacie alerte pourtant depuis 2011. Jean Luc Mélenchon alertait dès 2012 sur les risques à venir de pénurie de paracétamol. Les causes sont connues :
Concentration de production d’abord, sur les médicaments les plus juteux financièrement : tant pis pour les pauvres et les maladies non rentables, condamnés à une forme de pénurie sociale.
Concentration des génériques ensuite dont 40% sont produits par deux laboratoires seulement dans le monde. Une situation que même Bruno Le Maire qualifiait d’« irresponsable et déraisonnable » il y a déjà trois ans.
Concentration géographique enfin : 80% des principes actifs sont fabriquées hors de l’Union européenne du fait des délocalisations.
Ce système coupable porte un nom, le capitalisme : la marchandisation de la santé, c’est-à-dire de la vie elle-même.
Une étude publiée le 15 février par le British Medical Journal révèle qu’en vingt ans, les quinze plus grandes entreprises pharmaceutiques ont dépensé plus en activité commerciale, générale et administrative – voire en rachat d’actions – qu’en recherche et développement.

Les exemples s’accumulent : en 2022, Pfizer annonçait l’arrêt de sa production d’isoprénaline, utilisée en réanimation pour certaines urgences vitales, pour laquelle il n’existe pas de remplacement. En 2016 déjà, Sanofi arrêtait la production du BCG, utilisé contre le cancer de la vessie et la tuberculose – depuis Sanofi a fait 50 milliards d’euros de profit ! Cet hiver les tensions concernent les anticancéreux ; les insulines ; ou encore un anticoagulant. 
L’inaction est donc coupable car les conséquences sont concrètes : un Français sur quatre a déjà été privé de médicament, et un sur huit a été « contraint de reporter son traitement [voire] de l’arrêter complètement ». La directrice de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament alerte sur « des risques possibles de perte de chances pour les patients » – autrement dit, de morts.

Pourtant, avec cynisme, Emmanuel Macron déclarait en 2020 : « Ce que révèle cette pandémie [de Covid], c’est que la santé gratuite (…), notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux (…), c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. (…). Nous devons en reprendre le contrôle (…). Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens ». C’était il y a trois ans. Rien n’a été fait qui soit à la hauteur des enjeux.

L’entreprise Luxfer qui, avant sa fermeture, était la seule en Europe à fabriquer des bouteilles à oxygène médical, n’a pas été réquisitionnée. Sanofi a pu supprimer en dix ans la moitié de ses effectifs de recherche en France sans être inquiétée, alors que dans le même temps, elle recevait 1,5 milliard d’euros de Crédit Impôt Recherche. La levée des brevets contre le Covid que nous étions nombreux à demander a été refusée, contribuant à la pénurie mondiale de vaccin pour les pays pauvres et au développement des variants pour l’humanité. Pfizer, BioNTech et Moderna et leurs 1000 dollars de profit par seconde s’en réjouissent.
Aujourd’hui, tout juste apprend-on que le gouvernement vient de lancer un « comité de pilotage » pour trouver des « solutions concrètes ». Hélas, on sait celles qui ont déjà été retenues : « un moratoire sur les baisses de prix des génériques », et même des « hausses de prix ». La mission est composée pour moitié de représentants des industriels et multinationales de la santé.
Voilà la seule réponse du macronisme : hier comme aujourd’hui, subventionner les marges de Big Pharma par la Sécurité Sociale, soumettre toujours plus la santé au marché – et conforter la cause des pénuries au lieu de la combattre !

A l’inverse, nous l’affirmons avec force : non la santé n’est pas une marchandise ! Non la maladie ne doit pas servir à faire des profits ! La santé publique doit être guidée par d’autres valeurs que les valeurs boursières.
Il y a urgence à créer un pôle public du médicament, pour relocaliser la production de médicaments en France, y compris si besoin sous licence d’office et par l’instauration d’un protectionnisme, même si la commission européenne ne le veut pas. Urgence à constituer une réserve stratégique de médicaments essentiels, en planifiant les commandes et la production. Urgence à stopper la gabegie du crédit d’impôt recherche et à défendre notre indépendance et les intérêts fondamentaux de la nation comme le prévoit l’article L 410-1 du code pénal si besoin.
Entre la bourse ou la vie, il faut choisir. Nous choisissons la vie !