Maritime : en mer comme à terre, la casse des droits sociaux est inacceptable.

Retrouvez ci-dessous le discours que j’ai prononcé à la tribune de l’Assemblée Nationale le 28 mars 2023.


Madame la Présidente, Monsieur le ministre, Collègues,

La prédation sociale n’est pas plus acceptable en mer qu’elle ne l’est à terre. Non ! La retraite à 64 ans n’est pas plus acceptable que le dumping social dans le transport maritime. Je veux saluer les marins qui sont d’ailleurs engagés dans les deux batailles.

La situation du transport en Manche est insupportable. 800 marins britanniques ont pu être licenciés en une seule journée par la société P&O. Les marins colombiens qui les ont remplacés travaillent 17 semaines d’affilées en mer, 7 jours sur 7, à raison de 12 heures par jour. En France, c’est l’emploi de 2500 marins qui est menacé par cette concurrence déloyale.

La sécurité maritime est aussi en danger. Elle est indissociable des conditions de travail des équipages. C’est vrai pour les navires et leurs passagers directement concernés. Mais c’est vrai plus largement. La traversée de la Manche est une liaison parmi les plus dangereuses du monde car l’une des plus fréquentées : navires de marchandise, bateaux de pêche, auxquels s’ajoutent14 millions de passagers par an.

Il y a urgence dans la Manche. La loi de police dont nous discutons est indispensable. Mais encore faut-il qu’elle soit à la hauteur des enjeux.

La seule protection du « salaire minimum horaire » ne saurait suffire pour un texte qui prétend « lutter contre le dumping social ». Autant que le salaire minimum, en droit maritime, le levier c’est le temps de travail et le respect de la parité du temps passé à bord et sur terre. Nos échanges en commission ont permis d’enrichir ce texte pour faire référence à cette question. Mais il faut aller plus loin et fixer, dans la loi, non seulement le principe, mais des durées précises. Face à des compagnies qui disposent d’énormes moyens financiers, les contrôles et les sanctions doivent être dissuasifs.

Avec la nomination de M. Lallement au secrétariat général à la mer, on espérait la fin de la répression des manifestants – c’est raté. Peut-on au moins espérer que la matraque frappe désormais les patrons voyous du maritime ? Le gouvernement doit prendre ses responsabilités :

  • Pourquoi n’avez-vous pas immédiatement ajouté le Royaume-Uni aux lignes concernées par le décret du 21 avril 2006, qui limite le dumping sur d’autres liaisons, comme vous en avez la possibilité depuis le Brexit ?
  • Pourquoi ne pas envisager la signature d’un accord bilatéral entre le Royaume-Uni et la France ?
  • A quand l’abandon du Registre International Français, ce pavillon de dumping à domicile qui concurrence le pavillon de 1er registre ? Nous proposons de l’interdire sur la liaison entre la France et le Royaume-Uni.

Au-delà, à quand une loi globale qui garantisse notre souveraineté maritime et nos droits sociaux ? Car la question ne se limite pas au transport Transmanche. Les marins de la Méditerranée l’ont dit depuis des années ! La question ne date pas du Brexit. Il n’en est qu’un révélateur. Dans le règne de la concurrence libre et soi-disant non-faussée, les ilots de droit social sont menacés par un océan de déréglementation. Comment les protéger quand même le droit communautaire européen favorise ce dumping social, avec :

  • La liberté de pavillon consacrée par les traités européens,
  • L’existence de pavillons de complaisance au sein de l’UE, comme le pavillon chypriote.

Pourtant, il faudrait avoir le courage d’oser affronter la Commission européenne sur ces questions et de désobéir aux traités. En France, la création du RIF, pavillon de 2eme classe, et plus récemment encore l’extension des sociétés de Manning par la loi Macron en 2015, vont dans la mauvaise direction. 

Autant de sujets qui devraient nous inquiéter, et sur lesquels cette proposition de loi est pourtant silencieuse. Dans cette course au moins-disant social, nous voilà contraints à débattre d’une loi de police à l’application incertaine, et à la porté limitée, à chercher à limiter les conséquences sans jamais s’attaquer aux causes.

Vous le savez, nous l’avons dit avec Jean-Luc Mélenchon, les députés insoumis portent l’ambition de faire de l’économie maritime un outil au service du progrès humain, écologique et social. Les enjeux y sont déterminants à tous points de vue. La loi dont nous discutons est bien limitée. A minima, repoussons ses limites dès aujourd’hui. Les vents sont porteurs.

Monsieur le ministre, vous n’échapperez pas à l’exigence d’une réforme plus globale. Nous vous le rappellerons autant que nécessaire.