Le gouvernement va-t-il laisser l’UE tuer les énergies renouvelables ?

Retrouvez ci-dessous le discours que j’ai prononcé à la tribune de l’Assemblée Nationale le 10 octobre janvier 2023.


Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Collègues,

« Enfin ! » C’était notre état d’esprit quand vous nous avez présenté ce texte il y a 6 mois. Enfin, un texte de bifurcation écologique après vos condamnations pour inaction climatique ! Enfin, les libéraux que vous êtes allaient abandonner la funeste illusion d’une France sans usine, d’une start-up nation ! Car l’existence de ce texte est bien l’aveu d’échec de votre politique et de celle de vos prédécesseurs.
« Enfin », nous espérions assister au dépôt de bilan de 15 ans de politique de l’offre !

Mais, comme à votre habitude, le compte n’y est pas.
Ce texte est une coquille vide, sans vision, sans ambition. Et six mois d’examen n’auront pas suffi à la remplir.

A l’arrivée, il n’y a toujours :

  • Pas de planification
  • Pas de stratégie à partir des besoins
  • Pas de virage pour la sobriété en énergie, en eau
  • Pas de progrès sur l’écoconception ou l’obsolescence programmée

Ce texte est une nouvelle occasion manquée.
Mais qu’attendre des gens qui ont bradé Alstom ?
Qu’attendre d’un président qui a encore aggravé la situation industrielle ?

Car depuis que M. Macron a été élu :

  • La production industrielle a encore baissé de 4%
  • Le déficit commercial de l’industrie a plus que doublé
  • La part de l’emploi industriel dans l’emploi total n’a jamais été aussi basse

Un exemple : Valdunes, dernier fabricant français de roues et d’essieux pour le ferroviaire. On est au cœur de l’industrie verte, non ? L’actionnaire Chinois veut se désengager. Une nouvelle fois, le capital privé prouve qu’il ne sait pas garantir l’intérêt général du pays. Il n’est guidé que par la rentabilité à court-terme.

D’ailleurs, depuis le 6 octobre, toute la richesse créée dans le CAC40 est captée par les actionnaires. Nous avons franchi le jour du dépassement capitaliste. Les Français travaillent gratuitement pour les actionnaires 3 mois par an ! Or le capital privé n’est pas en mesure d’assurer la bifurcation écologique. Mais vous refusez de planifier et de mobiliser du capital public, de nationaliser s’il le faut.

C’est là la grande illusion de votre texte. Vous continuez à faire croire que les cadeaux fiscaux aux actionnaires et la simplification administrative font une politique industrielle. Rien n’est plus faux. Vous proposez les mêmes recettes éculées. Votre dispositif phare, le « Plan d’épargne avenir climat » est ridicule et il repose toujours sur la libre affectation par le marché. Vous n’avez rien à proposer d’autres qu’un texte macroniste peint en vert pâle.

Quand M. Macron se gargarise de l’arrivée de giga-factories en France, il oublie de dire que c’est sous capitaux et sous brevets étrangers. Il est donc seulement en train de créer les giga-dépendances de demain. Pourquoi dépenser des milliards d’euros pour subventionner ces capitaux étrangers et non pour créer avec eux des co-entreprises garantissant un minimum de souveraineté industrielle ?

Pourquoi ? Pourquoi ? Parce que vous refusez de rompre avec le libre-échange et la toute puissance des actionnaires.
2 millions d’emplois industriels détruits par la mondialisation ne vous ont pas suffi ?
Vous laissez la commission européenne continuer à vider le sang industriel de la France !

Le protectionnisme est l’un des grands absents de votre texte.
Vous avez refusé tous nos amendements en ce sens, même les plus modestes, même ceux concernant seulement le bilan carbone des panneaux photovoltaïques. Aujourd’hui la filière de l’éolien en général et de l’éolien maritime en particulier s’inquiète du manque de protection face à la concurrence déloyale.

L’Europe sera-t-elle encore l’idiote utile du village mondial face à la Chine et aux Etats-Unis ? Allez-vous laisser l’Europe allemande tuer toutes les filières d’énergies renouvelables comme elle l’a fait avec les panneaux solaires ? Quand allons-nous enfin protéger une base industrielle et technologique du renouvelable comme nous le faisons pour la Défense ?

Les autres grands absents de votre texte sont les travailleurs. Comment faire bifurquer l’industrie sans eux ? Sans leur savoir-faire, leur engagement, leur amour du travail, leur conscience de l’intérêt général ?
Quand on parle d’industrie verte, c’est de leurs métiers dont on parle, de leur vie. Ils ne sont pas des pions tout juste bons à subir les décisions du gouvernement, du MEDEF ou de leur actionnaire. Ce sont eux les créateurs de la richesse et si on les avait écoutés depuis des années, la France jouerait encore dans la première division industrielle !

A Cordemais, ce sont bien les salariés qui ont porté les premiers l’idée de conversion de la centrale du charbon à la biomasse à laquelle semble se rallier enfin le président de la République des années plus tard.

Mais non. Vous avez même refusé un amendement qui prévoyait seulement une négociation entre patronat et syndicats sur la stratégie carbone dans les plus grandes entreprises. Comme sur la retraite à 64 ans, comme sur le pillage des caisses de retraites complémentaires du privé AGIRC-ARCO, vous êtes les ennemis de la démocratie sociale.

Monsieur le ministre,
Soyons francs : si vous ne voulez pas faire la bifurcation écologique de l’industrie avec les salariés, c’est que vous ne la ferez pas. Pour être à la hauteur du défi écologique et industriel, les travailleurs devront donc faire sans vous. Nous voterons contre ce texte.