Victoires insoumises à l’Assemblée nationale : une « insoumission de gouvernement » en actes

La France insoumise a remporté pas moins de quatre victoires cette semaine à l’Assemblée nationale et une cinquième nous a échappé pour seulement six voix. C’est du jamais-vu depuis les élections de 2022. Et une étape de notre ambition majoritaire et gouvernementale.

Nous avons fait adopter à la majorité de l’Assemblée :

– Le rétablissement de l’accueil physique dans les services publics par la victoire de notre proposition de loi jeudi 30 novembre.

– L’adaptation au changement climatique et face aux risques naturels majeurs dans les territoires dits d’Outre-mer avec un vote jeudi créant une commission d’enquête parlementaire sur les moyens pour y faire face.

– La gestion des crèches privées suite aux révélations scandaleuses sur le sujet, avec la création d’une autre commission d’enquête mardi 28 novembre.

– Et enfin par le vote d’un amendement portant l’exigence d’un référendum pour toute délégation de souveraineté vers l’Union européenne mercredi 29 novembre.

Nous avons presque réussi également à arracher une victoire sur l’encadrement des marges et des prix de l’industrie agroalimentaire, le vote nous échappant de seulement 6 voix du fait d’une alliance Macronistes-LR contre la protection du pouvoir d’achat populaire.

Et nous avions déjà gagné avant même notre niche sur l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution. Après que nous avons fait voter cette proposition dans notre « niche » l’an dernier, et que le Sénat avait fini par l’adopter aussi en la reformulant, le président de la République a été contraint d’annoncer le dépôt d’un projet de loi qui devrait être adopté en Congrès du parlement le 4 mars 2024. Nous avions donc choisi de retirer notre texte sur le sujet ce jeudi.

Des victoires éclatantes

Ce sont des victoires éclatantes à plus d’un titre. D’abord parce qu’elles répondent à des exigences populaires extrêmement fortes. Ensuite parce qu’obtenir une majorité de voix de députés est un exercice toujours difficile dans une Assemblée aussi morcelée et où les forces libérales, conservatrices et réactionnaires dominent. Enfin parce que tout au long de la journée, la minorité macroniste n’aura reculé devant aucune manœuvre pour gagner du temps, cliver grossièrement et échauffer les esprits par des provocations ridicules (le combo Poutine-Venezuela-Cuba, j’en passe et des meilleures) en espérant faire dérailler notre plan de marche. Mais tout a tenu comme prévu. Il faut dire que nous avions préparé cette niche depuis des mois et que nous en avions longuement discuté des textes et de la stratégie. Je la résume d’une phrase : face aux abus de toutes sortes qui rendent la vie quotidienne impossible, ce qui est raisonnable c’est la rupture concrète avec le système qui les rend possibles.

Même la presse libérale en a perdu sa boussole. Ainsi L’Opinion titrait sur notre volonté « d’une niche pour cliver » quand Le Figaro trouvait que nous n’avions « pas trouvé de sujet » grand public. A la fin d’après-midi, certains écrivaient même que notre texte sur les services publics n’avait que peu de chances d’être adopté alors qu’il le fut presque sans opposition quelques heures plus tard ! Preuve qu’ils sont autant déconnectés des exigences populaires (ils n’ont pas dû tenter de faire refaire une carte grise depuis longtemps pour ne pas savoir l’importance du sujet de la dématérialisation dans les services publics) comme des rapports de force parlementaires. Deux journalistes me disaient à la mi-journée qu’il n’y avait pas beaucoup de leurs confrères sur place. Ceci explique peut-être cela. C’est dur de traiter correctement l’actualité parlementaire et populaire depuis son canapé.

Bien sûr, le gros morceau c’était notre « niche » parlementaire ce jeudi 30 novembre. C’est la seule journée de l’année où les députés insoumis choisissent – et écrivent – les textes débattus en hémicycle. 

L’union populaire, ça fédère !

Tirons en quelques leçons. L’union populaire, ça marche.

Premièrement, partir de sujets du quotidien matériel du pays (les prix, le service public, la garde des enfants) ou posant des enjeux incontournables (les catastrophes naturelles ou même l’accès à l’eau symbolisée par la bataille des bassines) :  ce sont là les toutes premières préoccupations des Français. Il est évident que la question sociale reste de ce point de vue écrasante, encore plus dans le contexte de forte inflation qui rend la vie chère insoutenable.

Deuxièmement, porter le fer sur ce qui rend le système actuel insupportable : ses abus grossiers (cf les prix ou les scandales des crèches ou du vote de 2005 bafoué) et ses contradictions (le numérique devient un objet d’éloignement et de complexification du service public au lieu d’en faciliter l’accès par exemple) en partant du sentiment populaire largement répandu. Parfois il correspond aux combats historiques de la gauche et c’est plus simple, mais ça ne doit pas être le critère à cette étape. Il faut partir du « sens commun » qui unifie et exige une réponse. Ainsi, d’après un sondage, 91% des Français étaient pour le retour de l’accueil physique dans les services publics, 88% pour la commission d’enquête sur les risques naturels outre-mer par exemple, 90% pour l’encadrement des marges.

Troisièmement, s’attaquer sans détour à la racine du problème identifié. Nos propositions sont donc radicales dans leur esprit et leur objectif. Par exemple : le but lucratif des crèches, la marge de l’industrie agroalimentaire etc. Nous ne cherchons pas des rustines pour rendre le problème moins saillant mais pour l’éliminer.

Quatrièmement, y répondre par des propositions ou des actions concrètes, perceptibles, travaillées comme l’ont été nos propositions de lois avec des élus qui suivent ces questions de longue date, des échanges avec les citoyens, les syndicats (y compris agricoles), les mouvements engagés.

Cinquièmement, compte-tenu de la nécessité d’obtenir une majorité, savoir préserver l’essentiel à chaque étape sans renoncer ni s’enferrer dans un jusqu’au boutisme qui fait plaisir mais empêche la victoire lorsqu’elle est à portée de main. Par exemple, sur les crèches, la commission d’enquête traitera des crèches privées. Mais pour obtenir le vote majoritaire, il a fallu accepter d’en étendre le champ aux crèches publiques aussi. Sur la commission d’enquête sur la gestion des risques naturels, il a fallu conserver l’appellation « outre-mer » alors que nos camarades élus de ces territoires préfèrent parler de « territoires transocéaniques » pour mieux marquer leur existence par eux-mêmes au-delà du seul rapport à la capitale, mais la commission est créée et son objet est le nôtre. Et même si nous n’avons pas gagné le vote final sur l’encadrement des marges, nous avions obtenu une majorité pour l’établissement d’un prix plancher des produits agricoles en acceptant un amendement LR. Nous avons aussi adopté certains amendements macronistes sur le texte sur les services publics.

Mais ce travail a été rendu possible sans dénaturer nos textes parce que le rapport de force construit au préalable avait atteint son but : unifier notre camp, et fracturer ceux d’en face. Les groupes PS, Ecologistes et GDR-PCF ont voté l’ensemble de nos propositions (une meilleure participation chez eux, alors que de nombreux députés étaient absents dont Fabien Roussel ou Olivier Faure, aurait même permis de gagner sur l’encadrement des marges). Mais nous avons politiquement forcé d’autres groupes, d’autres députés à voter nos textes. Le RN a ainsi passé sa journée à ressasser le naufrage de sa propre niche il y a quelques semaines voyant l’efficacité de notre travail et la justesse de nos propositions. Ils ont été obligés de courir derrière nous, l’hommage du vice à la vertu sans doute. LR a voté une partie de nos textes. LIOT aussi. Même les macronistes ont fini par abandonner la partie en s’abstenant sur notre texte sur les services publics. Et dès le matin quelques-uns d’entre eux avaient refusé de voter contre notre demande de commission d’enquête sur les risques naturels outre-mer. Au passage, les trois groupes macronistes (MODEM, Horizons et Renaissance) auront fini la journée de notre niche sans positions communes.

Gagner dans les têtes et dans les urnes

Bien sûr aucune naïveté. Ces votes sont d’abord et avant tout le fruit du rapport de force construit dans la société. Sans appui large dans celle-ci, tout le reste est illusoire. Et même un appui populaire large ne permet pas toujours, à ce stade, dans les esprits des citoyens et a fortiori dans cette Assemblée de l’emporter car nos adversaires défendent leurs intérêts très durement. Ils les défendent partout : dans les têtes et dans les votes.

Notre demande de moratoire sur les méga-bassines en est ainsi resté aux premières étapes malgré le remarquable travail de Clémence Guetté notamment. Il faut dire que les lobbys ont puissamment joué contre et que l’arc réactionnaire climato-inactif Renaissance-LR-RN a tenu bon. Leurs arguments dans l’hémicycle ont fait pschitt car nous accuser d’être contre l’agriculture alors qu’on venait de défendre les prix planchers pour les agriculteurs et qu’ils viennent d’accepter un accord de libre-échange agricolicide entre l’UE et la Nouvelle-Zélande ne tenait pas. Les interventions de Loïc Prudhomme ou Mathilde Hignet ont de ce point de vue été remarquables : la contre-offensive idéologique est lancée. Mais la pression populaire, la dimension majoritaire du combat n’a pas été suffisante pour disloquer ce bloc chauffé à blanc par certains syndicats agricoles. Notre proposition était soutenue à 71% selon notre sondage : c’est remarquable et ça augure bien de la suite de cette bataille, mais à cette étape, ça n’a pas suffi.

Souverains : la démocratie est une question sociale et écologique

Cette niche montre le travail qui reste à faire, dans la société pour convaincre plus largement de la possibilité d’un autre modèle agricole, démonter les mensonges et fake news contre nous à ce sujet, et dans les urnes pour imposer ces ruptures par nos seules voix. C’est aussi une leçon, même si à certaines étapes, nous avons besoin de voix venues d’ailleurs, le socle du changement se construit par nous-mêmes et le fruit adverse ne tombe que quand nous l’avons bien fait murir ou que nous pouvons nous passer de lui. Il s’agit ainsi de construire notre « souveraineté » politique en quelque sorte.

J’utilise ce mot car la question du changement démocratique est aussi incontournable. C’est une autre leçon de cette semaine. Nous avons vu encore une fois comment la 5e République est construite pour étouffer les demandes de changements même majoritaires dans le peuple. N’oublions pas que notre niche aurait dû commencer par débattre d’une proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans et que ce débat a été censuré, empêché, par une nouvelle brutalité anti-démocratique du pouvoir macroniste. La proposition de loi que nous avions inscrite à l’ordre du jour avait été déclarée « recevable » au printemps. Mais suite à notre inscription à l’ordre du jour, la macronie a piétiné une nouvelle fois les règles les plus élémentaires pour déjuger cette décision de recevabilité dans un coup de force inédit.

N’oublions pas non plus que notre niche intervient au milieu d’un mitraille de 49.3 sur les budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale qui dépossède le peuple français et ses représentants du pouvoir fiscal et budgétaire, pourtant au cœur des démocraties libérales modernes depuis les révolutions américaines de 1776 (« no taxation without representation » clamaient les révolutionnaires : pas d’impôt sans que les citoyens n’y ait consenti) et française de 1789 (les Etats généraux convoqués par le Roi pour régler ses problèmes budgétaires débouchant sur la constitution de la première Assemblée nationale). Alors que l’Union européenne veut les rétablir en durcissant les règles budgétaires suspendues par le covid et que le gouvernement entend appliquer le plus grand plan d’austérité de l’histoire du pays, cet autoritarisme montre que la souveraineté du peuple reste plus que jamais une revendication sociale et écologique de première importance contre l’Europe austéritaire et ce néolibéralisme productiviste autoritaire. Là est aussi le sens de notre victoire sur l’amendement exigeant un référendum pour toute délégation de souveraineté à l’Union européenne. Nous ne lâcherons jamais le fil de 2005 et du mandat populaire reçu ce jour-là de sortir des traités européens libéraux. Nous continuons ce combat pour la défense républicaine de la souveraineté du peuple, et de son unité contre toutes les divisions que sont les inégalités sociales, le racisme ou le sexisme.

Fédérer le peuple sur des revendications majoritaires permet d’unir les groupes de gauche sur des objectifs clairs de rupture concrète tout en désarticulant les blocs adverses. Voilà la clé de ces victoires parlementaires insoumises ces derniers jours. Voilà la principale leçon de cette semaine pour les prochaines batailles. L’union populaire à vocation majoritaire, ça fonctionne ! L’Insoumission de gouvernement n’est pas qu’un slogan. Faisons-en une réalité.

Matthias TAVEL


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