Non, l’électricité payée en France n’est pas moins chère que chez nos voisins, mais elle pourrait l’être

Vous trouverez ci-dessous la tribune publiée le 2 février dans l’espace club de Mediapart, dont je suis cosignataire avec Marina Mesure, députée européenne LFI, Rapporteure pour le groupe de La Gauche au Parlement européen sur la réforme du marché de l’électricité, Manon Aubry, députée européenne LFI, co-présidente du groupe de La Gauche au Parlement européen, Alma Dufour, députée LFI de Seine-Maritime, Maxime Laisney.


Au 1er février, le prix de l’électricité vendue en France augmentera de plus de 10%. La facture des ménages aura donc subi une hausse d’environ 40% en seulement un an. Alors que les coûts de production moyens de l’électricité française sont stables depuis des années, que justifie cette hausse exponentielle du prix d’un bien pourtant essentiel ?

L’augmentation du prix de l’électricité n’est pas une fatalité, pas plus qu’elle serait le fruit de circonstances en dehors de notre contrôle. La hausse au 1er février correspond à une augmentation des taxes applicables à l’électricité décidée par le gouvernement en plein hiver d’augmenter le prix de l’électricité, n’ignorant pas que cette mesure frappe avant tout les ménages vulnérables qui vivent le plus souvent dans des logements mal-isolés. Guerre en Ukraine ou pas, le coût de l’électricité produite en France est sensiblement le même d’une année à l’autre puisque le gaz ne représente même pas 10% de la production électrique nationale. Le marché européen impose néanmoins que le prix de l’ensemble de l’électricité vendue, peu importe son coût de production, soit aligné sur l’électricité la plus chère, produite à partir de gaz. On comprend alors que la hausse du prix de l’électricité est avant tout artificielle.

EDF est contrainte d’augmenter régulièrement le prix de vente de l’électricité à ses clients pour permettre à des concurrents d’exister. Ces concurrents, aussi appelés « fournisseurs alternatifs », ne produisent pour la plupart pas d’électricité et se contentent d’acheter à EDF de l’électricité pour la revendre plus cher. Alors que l’immense majorité de la production électrique d’EDF est vendue aux fournisseurs tels que Total à un prix proche des coûts de production, pour seulement 42€ le MWh, le prix de l’électricité vendue aux ménages est de 250€ le MWh, soit cinq fois plus cher. Le prix de l’électricité est donc bien régulé et proche des coûts de production pour les fournisseurs, mais pas pour les usagers.

L’ouverture à la concurrence de l’électricité explique donc ces hausses successives, avec pour effet de réduire drastiquement le niveau de vie des ménages, la compétitivité des entreprises et les marges financières des collectivités. En 2011, avant l’entrée en vigueur de la libéralisation du secteur, le tarif réglementé de vente de l’électricité se situait autour à 110€ le MWh, et ce, depuis 10 ans. L’électricité coûte donc deux fois et demi plus cher aux usagers depuis l’ouverture à la concurrence alors que son coût est stable, et les capacités de production électrique stagnent, risquant d’exposer le pays à une pénurie d’électricité à terme.

Contrairement à ce qu’affirme le Président de la République, cette aberration tarifaire ne frappe pas moins les Français que leurs voisins européens. C’est même plutôt l’inverse.  A l’heure où s’exprimait le Président, le prix régulé de l’électricité était de 162€ le MWh en Espagne, contre 226€ en France. Selon l’agence européenne de statistiques, le prix moyen de l’électricité payée par les ménages pour le premier semestre 2023 était plus élevé en France qu’au Portugal ou en Slovénie.

La réforme du marché de l’électricité qui entrera en vigueur dans le courant de l’année ne règle rien au problème. Cette pseudo réforme maintient l’alignement des prix de l’électricité sur ceux du gaz dans le seul but de garantir des marges conséquentes aux producteurs d’électricité nucléaire ou renouvelable.

Les « contrats pour différence » et l’accord entre EDF et l’État qui en découle, dépeints par le gouvernement comme outils de contrôle de la tarification de l’électricité, ne représentent pas non-plus une régulation du prix de vente aux consommateurs.Ces contrats fixent un prix d’achat garanti au producteur de l’électricité qu’il vendra sur les marchés. 

L’État s’engage à protéger les producteurs d’électricité contre les aléas du marché, pas les usagers. Le groupe de la Gauche au Parlement européen, où siège la France Insoumise, a été le seul groupe parlementaire a voté contre ce texte qui approfondit les logiques de marché et entérine la fin programmée des tarifs réglementés.

La crise du prix de l’électricité a mis en évidence les nombreux dysfonctionnements de l’ouverture à la concurrence du secteur. Face à ce constat, le Président Macron préfère créer des béquilles à ce système absurde dont le fonctionnement ne sert que les intérêts financiers  de quelques producteurs et fournisseurs.

Il est temps de sortir du dogme de la concurrence et rendre à EDF son monopole sur la production et la vente d’électricité, pour que le prix de vente de l’électricité aux usagers corresponde de nouveau à son coût.

Marina Mesure, députée européenne LFI, Rapporteure pour le groupe de La Gauche au Parlement européen sur la réforme du marché de l’électricité

Manon Aubry, députée européenne LFI, co-présidente du groupe de La Gauche au Parlement européen

Alma Dufour, députée LFI de Seine-Maritime

Maxime Laisney, député LFI de Seine-et-Marne

Matthias Tavel, député LFI de Loire-Atlantique