Eolien maritime : défendre une industrie de souveraineté

OPINION. Avis de gros temps sur la filière de l’éolien maritime. Par Matthias Tavel, député LFI-NUPES de Loire-Atlantique, co-rédacteur du livret « Mer » de la France insoumise

Le manque de visibilité, l’inflation, la recherche d’une électricité peu chère et la concurrence asiatique menace de faire s’échouer une filière stratégique. Pourtant, la France a plus que jamais besoin de développer cette source d’énergie renouvelables.

Pour tenir nos engagements climatiques et développer la filière industrielle française, l’éolien maritime doit être considéré comme une industrie de souveraineté et bénéficier d’un soutien et d’une protection par les pouvoirs publics.

Les avantages de l’éolien maritime

Il faut gouverner à partir des besoins du pays : il n’y a pas d’avenir énergétique pour la France sans l’éolien maritime. Tous les scenarios de RTE, même les plus nucléarisés, le démontrent.

Si l’éolien maritime s’impose c’est d’abord en raison de son intérêt énergétique : décarboné, plus efficace que d’autres renouvelables, moins visible. Le potentiel européen est estimé à 300 GW. Le premier parc en exploitation en France, mis en service il y a un an au large de Saint-Nazaire, produit l’équivalent de 20% de la consommation électrique de la Loire-Atlantique.

L’urgence de la planification écologique concrète

Un an après la mise en service du premier parc français à Saint-Nazaire, et alors qu’une dizaine d’autres sont en cours de mise en service, de construction ou d’attribution, la France doit franchir un palier et s’en donner les moyens. Il est temps de mettre en œuvre l’ambition portée de longue date par Jean Luc Mélenchon sur ce sujet.

La programmation énergétique en cours d’élaboration doit confirmer les objectifs ambitieux de 18 GW installés en 2035 et plus de 40 GW en 2050, mais elle doit aussi planifier le chemin, concret et régulier, pour y parvenir. Cette visibilité du carnet de commandes est indispensable aux investissements dans l’appareil de production et les installations portuaires. La création d’un débat public unifié par façade maritime offre la possibilité d’une véritable planification spatiale et temporelle pour concilier au mieux les différents usages de la mer (pêche, routes maritimes, défense, énergie) mais aussi la préservation de la biodiversité.

La planification écologique doit cesser d’être un mot emprunté aux discours de la France Insoumise pour devenir enfin une réalité concrète. Une stratégie nationale portuaire doit travailler les complémentarités plutôt que la concurrence en particulier en vue du développement des parcs flottants. Les besoins en formation professionnelle doivent être anticipés, du lycée professionnel qu’il faut défendre, aux formations supérieures de proximité.

Nécessaire protectionnisme

La localisation de la chaine de valeur est un autre enjeu. La France, dispose de solides atouts : usines de pales à Cherbourg, assemblage des Turbines à Montoir-de-Bretagne et au Havre, fabrication de sous-stations électriques aux chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire, et même de flotteurs jusque dans le Lot sans parler des câbles, ou roulements à billes. Du fait du retard dans la construction de parc français, nombre de nos entreprises se sont développés à l’export, en Europe.

Aujourd’hui, la course aux bas prix et le contexte d’inflation sont une double menace. Celle du manque d’investissement voire de projets d’une part, d’une mise à l’écart des fournisseurs français d’autre part. Il est indispensable de protéger la filière contre la concurrence déloyale internationale (chinoise et demain américaine ?) par des règles protectionnistes au nom de la souveraineté industrielle et énergétique, à minima à l’échelle européenne. L’UE et la France laisseront-elles défaire une filière d’excellence comme elles ont abandonnés la filière photovoltaïque ?

De l’importance de critères hors-prix

C’est pourquoi le critère du prix ne peut être le seul élément discriminant l’attribution des appels d’offres. A 45 euros/MWh à Dunkerque ou en Manche, l’éolien maritime a déjà démontré sa compétitivité face aux autres énergies, notamment le nucléaire. Ne chercher qu’à réduire encore ces prix expose la filière aux délocalisations. Ailleurs, la course au prix se traduit par un dumping social inacceptable, comme en témoigne le recours à un navire battant pavillon du Vanuatu pour la construction du parc de Saint-Brieuc.

Les grands acteurs du secteur eux-mêmes se rendent compte que la course au bas-coût les étrangle à l’heure de la hausse des matières premières et des taux bancaires. D’un point de vue économique et social, comme au regard du soutien populaire au déploiement de l’éolien maritime, cette logique purement financière doit être brisée. Tout comme il existe une base industrielle et technologique de défense (BITD), nous devons assumer la construction d’une base industrielle et technologique de l’énergie renouvelable (BITER).

Alors que les géants du secteur sollicitent l’aide publique face à l’inflation, la puissance publique doit soutenir cette filière stratégique. Mais elle ne doit pas le faire sans d’exigeantes contreparties de contenus et emplois locaux, de mieux disant écologique (par exemple sur la recyclabilité intégrale) et même de maîtrise publique ou semi-publique des acteurs stratégiques hier vendus à GE ou Siemens. L’intérêt national et l’intérêt général humain face au changement climatique doivent s’imposer sur les règles européennes de concurrence chaque fois que de besoin.

Le parc éolien de Saint-Nazaire fait la fierté d’un bassin ouvrier et industriel qui engage sa bifurcation écologique et entame une nouvelle épopée industrielle. Le pays peut suivre cette voie.

Matthias Tavel


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